Jeune maître de l'art digital, Gioele Amaro repense la peinture au fil de sa vision créative doublée d'une technique percutante. Alors que certaines de ses œuvres sont exposées à Paris, entre les murs flambants neufs de la boutique Valentino avenue Montaigne, on a échangé quelques mots avec l'artiste.

Né en Calabre dans le sud de l'Italie, l'artiste Gioele Amaro vit à Paris, où il crée des peintures numériques dont l'apparence réfléchissante attire immédiatement le regard. Et je ne dis pas cela sans raison, ses tableaux sont tout à fait surprenants : aussi brillants qu'une feuille d’aluminium ou d’acier inoxydable, ils semblent parfois, de loin, légèrement froissés ou presque abîmés (or ce ne sont bel et bien que des surfaces planes). C'est là que Gioele Amaro déploie toute son habileté pour donner à voir des œuvres — abstraites et amusantes — aux airs de trompe-l’œil. Des œuvres qui, une fois regardées, se révèlent. Les habitants de la capitale et autres personnes ayant été de passage à Paris ces derniers temps ont pu en faire l'expérience, en plein air, puisqu'une toile au format vertigineux a été déployée avenue de l'Opéra grâce au soutien de Valentino.

Alors que la maison de mode — depuis longtemps engagée dans la promotion de la culture et de l'art — vient d'ouvrir son nouveau magasin avenue Montaigne, elle a souhaité inviter Gioele Amaro à exposer cinq de ses œuvres, mêlant la peinture à la couture. L'occasion pour nous de poser quelques questions à l'artiste quant à son processus créatif.

L'art des illusions selon Gioele Amaro.
Quelles sont vos plus grandes inspirations ?
L'art, la mode et l'architecture sont mes principales sources d'inspiration et, avec ce panneau d’affichage, j’ai eu la chance de les réunir. Haute couture mais citadine !

Quelle est votre relation à la maison Valentino ?
Notre premier “rendez-vous” a eu lieu en Chine pour RE-signify : Mariuccia Casadio et Jacopo Bedussi ont organisé une exposition faisant dialoguer des objets des archives Valentino, de nouvelles créations de Pierpaolo Piccioli et des œuvres d'artistes contemporains. Pierpaolo crée un vrai dialogue synergique qui est le fruit des réflexions et des aspirations entre l'artiste et la maison. En m'offrant cette liberté de création, cette confiance et cette écoute, j'ai perçu que l'élégance est d’abord une qualité humaine avant de devenir un élément de style.

Comment avez-vous imaginé votre exposition dans sa nouvelle boutique avenue Montaigne ? 
Le design du magasin est impeccable, élégant et luxueux, je me sentais presque comme un enfant qui, jouant avec mes couleurs, perturbe dans cette perfection. Par rapport à l'espace blanc classique de l'art, il y a un changement de perspective qui crée une interprétation inhabituelle. J'ai imaginé ces tableaux comme des miroirs qui ne reflètent pas vraiment ce qui est devant eux mais uniquement le contexte.

Qu’est-ce cela vous fait d’être affiché en grand, avenue de l’Opéra à Paris ? 
Être invité à exposer son travail dans un musée ou une galerie est toujours un honneur, mais collaborer avec une identité créative en soi est parfois encore plus flatteur et inspirant : littéralement tous les passants peuvent entrer en contact avec cette œuvre et c'est le plus beau des cadeaux pour un artiste. Inspiré par Christo et Jeanne Claude, j'ai recouvert le bâtiment pour un échange de cadeaux.

Vos œuvres s’appellent des peintures, or elles ne sont pas vraiment peintes. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Aujourd’hui, par exemple, les films ne sont plus constitués de pellicules : il y a de la peinture sur mes toiles mais elle a été appliquée par l'imprimante. Ce qui me passionne dans mon travail, c'est de créer cette illusion entre manuel et numérique, faux ou réel, matière ou trompe-l'œil. Toutes mes peintures sont réalisées avec des pinceaux numériques qui imitent les pinceaux traditionnels et le résultat vous laisse vous demander si vous avez affaire à une peinture faite à la main ou non.

Pourquoi avoir choisi l’art virtuel ?
Si je devais communiquer uniquement avec des lettres manuscrites, je devrais acheter un joli stylo et du papier, pratiquer mon écriture, la réécrire si je manque un mot, envoyer la lettre et attendre que le courrier m'apporte la réponse. Le numérique ouvre la voie à une possibilité infinie d'expérimentation et à une richesse expressive incomparable. La main est une limite que d'autres peintres du passé ont déjà dépassée.

Selon vous, que signifie être un artiste aujourd’hui ?
Être capable d'avoir un impact culturel afin que nous puissions avoir une voix. L'art est la représentation la plus authentique que la société donne d'elle-même et de sa propre échelle de valeurs, au-delà des guerres, des crises économiques et des transformations socio-politiques.

Par Marthe Mabille, 29 juin 2023.



Image: Courtesy: the artist and Valentino Paris, photo: Vittorio Dozio.